Cette semaine, j’ai eu la chance de participer à une visite de tutelle. Une visite de tutelle, c’est un évènement qui prends place dans les écoles privées catholiques, souvent organisées en réseau sous l’égide d’une “tutelle” (bien souvent une congrégation religieuse). Et, sous cette tutelle, les établissements s’organisent en réseau. De ce fait, à intervalles réguliers, des repésentants de la tutelle viennent réaliser ce qu’on appelle une “visite de tutelle”. De loin, on pourrait penser que ça ressemble à une sorte d’audit : les représentants de la tutelle viennent voir dans l’établissement si les principes prônés par la tutelle sont bien respectés. Sauf que j’ai eu la chance de participer de l’intérieur à une telle visite et la réalité est bien différente.
Les représentants sont en fait des chefs d’établissement en exercices qui viennent en “ami critique” avec un regard bienveillant pour aider leur collègues à prendre du recule sur leur pratique (ça donne des idées hein). J’ai eu la chance d’avoir un vrai temps de discussion avec ces chefs d’établissement. Et nous avons parlé transition éducative et changement de l’école. Un point intéressant de la discussion a été celle sur les emplois du temps et les espaces scolaires. Avec une phrase qui m’a marquée “j’ai été chef d’établissement durant 15 ans et je n’ai jamais pensé à remettre en cause l’emploi du temps”. Puis la réflexion s’est élargie aux salles de classe. D’où nous vient cette organisation en “cases” que nous avons tellement de mal à remettre en cause, surtout dans le secondaire ? Des cases de savoir (disciplines scolaires), des cases de temps (heures de cours), des cases de classe d’âge (division ou niveaux de classe), des cases physiques (des salles de classe), nous avons découpé l’école et donc les élèves en petits en petit morceaux. Je pense, comme Ken Robinson, que cette organisation nous vient du milieu du 20e siècle, en droite lignée du taylorisme. L’école comme une usine où le découpage permet de gagner en efficacité de production. L’idée du découpage à l’école est de favoriser au maximum la transmission d’un savoir. En faisant des élèves des experts en mathématiques, français, langues, sciences, histoire-géographie, et autres disciplines scolaires, on va en faire des adultes compétents dans tous les domaines.
Sauf que… je ne m’étendrais pas sur les limites du taylorisme car je ne me prétend pas une experte de l’économie. En revanche, on sait tous que le tout est n’est pas la somme de ses parties dans un système complexe. Et si on ne le sait pas tous, on va lire Edgar Morin ou suivre son MOOC qui nous apprends la complexité. Concrètement, ce que ça veut dire qu’un adulte compétent ce n’est pas juste quelqu’un qui s’y connait en chacune des disciplines scolaires : il est capable de faire des liens entre ces différentes matières par exemple.
Le monde a donc changé, il est devenu plus complexe. L’école doit donc enseigner la pensée complexe. Et le modèle du découpage a atteint ses limites. Cela implique également que le rôle de l’enseignant a changé. Ce n’est plus un ouvrier de la chaîne, hyperspécialisé dans son domaine et ignorant de ce qui se passe avant, après, à côté. Le professeur de mathématiques ne peut se contenter d’être un spécialiste des mathématiques en ignorant ce qui se passe en dehors de sa salle de classe et de ses cours. A lui maintenant d’être un “expert de l’apprendre”, avec comme outil de choix : les mathématiques. Etre un expert des mathématiques sur le programme c’est difficile mais faisable. Etre un “expert de l’apprendre”, c’est une autre paire de manche. En perdant le découpage en case et la simplification associée, on perd le pouvoir de prendre suffisamment de recul pour appréhender le problème en entier. C’est là que l’équipe enseignante rentre en jeu. Dans une vision tayloriste de l’école, l’élève passe d’enseignants en enseignants comme une voiture sur une chaîne de montage. Les enseignants sont experts d’une micro-partie et indépendants. Dans une vision complexe, les enseignants s’organisent en équipe afin de pouvoir appréhender le problème de l’apprentissage avec l’intelligence collective. C’est l’équipe éducative qui permet de prendre du recul, seule l’articulation des regards croisés permet de saisir les problèmes dans leur entièreté. Cela veut dire également que nous, enseignants, devons renoncer à pouvoir tout faire, tout saisir, être compétent partout. Développons nos forces et appuyons nous sur les forces de nos collègues. N’ayons peur ni de nos faiblesses, ni de montrer nos forces. Etre un enseignant expert de nos jours, c’est complexe et ça ne se fait pas tout seul !
Et vous, quelles sont vos pistes et idées pour appréhender cette complexité du métier d’enseignant ?Comment mettez-vous en place l’intelligence collective dans vos établissements ? N’hésitez pas à laisser les réponses en commentaire !
Références :
Ken Robinson, changing education paradigm, RSA talk
Edgar Morin, MOOC connaître et agir en complexité, Coursera
Edgar Morin, enseigner la complexité