J’ai des lecteurs exigeants (et ça me remplit d’aise). Ils m’ont fait remarquer que mon dernier article sur l’évaluation formative était intéressant mais manquait d’exemples concrets. Voici donc un billet très très concret, des exemples, des exemples et encore des exemples d’évaluations formatives soutenant les apprentissages. J’ai essayé de les classer de la plus “simple” à mettre en place (compatible avec une pratique classique) à la plus complexe (remettant complètement à plat le système d’évaluation classique)
Le contrôle au milieu
Vous avez envie de mettre en place de l’évaluation formative dans vos classes mais n’avez ni l’envie ni le temps de tout réinventer ? Voici ce que je conseille à mes stagiaires qui sont dans votre cas. Prenez votre séquence habituelle mais au lieu de mettre le contrôle au bout, mettez-le au milieu. Pouar que cela tienne, ciblez l’essentiel, retouchez l’ordre de vos cours et activités pour que les plus importantes soient au début, même si cela n’a pas de sens logique, faites tout plus rapidement. Une fois l’évaluation faite, vous pouvez partir tranquillement sur de la différentiation. Les élèves ayant réussi le premier contrôle n’auront pas besoin de le repasser. Faites-les travailler sur des projets ou de l’approfondissement du cours. Et consacrer la moitié de la séquence restante à travailler avec les élèves qui n’ont pas encore réussi à travailler sur leurs erreurs, en se servant du contrôle qui vous aura aidé à cibler leurs difficultés. Et repasser un contrôle en fin de séquence.
L’interro-surprise formative
Un autre dispositif simple que j’utilise en formation. Lorsque les apprenants arrivent, je leur demande de ranger leurs affaires et de prendre juste un stylo. Puis je donne un sujet de remémoration de cours (par exemple : quelles sont les 6 conditions pour qu’une évaluation formative soit support des apprentissages ?), réalisable en 10-15 minutes. Ils prennent un petit moment pour répondre, seul en silence. Quand ils ont fini, ils peuvent en parler avec leur voisin/leur équipe pour voir s’ils retrouvent le cours. S’ils ne trouvent toujours pas , ils peuvent prendre leurs notes. Au final, une équipe qui a réussi à retrouver le cours présente la réponse à toute la classe.
La note “date limite”
Les élèves doivent me rendre un travail personnel (comme un article de journal). Je donne une date limite pour laquelle le rendu final doit être parfait : quand les élèves me rendent leur travail, je joue le rôle du rédacteur en chef en leur demandant de retravailler tel point, tel mise en forme, etc. Les élèves ayant rendu un travail parfait pour la date limite ont 20/20. Puis, un point de pénalité par jour de retard. A bien bien expliciter aux élèves car ils ont l’habitude de “rendre quelque chose”, pas de “rendre quelque chose de parfait”.
Contrôle “amont”, Evaluation par Contrat de Confiance
Dans la même lignée que l’EPCC d’A. Antibi, l’idée est de faire travailler le sujet du contrôle en amont, avant le jour du contrôle proprement dit. On peut par exemple distribuer le sujet de contrôle 10 jours avant le contrôle et prévoir une séance de questions/réponses pour les élèves. On peut aller plus loin et faire un sujet type “projet” et donner le sujet 1 à 2 mois à l’avance. Ce qui laisse tout le temps aux élèves de faire le projet et d’être prêts pour le contrôle. Je vous entends “le risque n’est-il pas qu’ils apprennent les réponses par cœur sans comprendre ?”. Plusieurs façons d’éviter cela : donner plusieurs sujets différents, donner des sujets suffisamment complexes pour que ce ne soit pas possible de les apprendre par cœur, bien insister sur le fait qu’on notera le raisonnement et les justifications, non le résultat. Enfin, dernière variante (ma préférée), proposer aux élèves de faire eux-même un exercice pour le contrôle et piocher dans la banque ainsi constituée pour faire son évaluation. Ah oui et d’expérience, je vous rassure tout de suite, avec ce genre de pratique, tout le monde n’a pas 20, disons que vous allez gagner 1 à 2 points sur la moyenne de classe par rapport à une pratique “normale”.
Contrôle aval
Ici, à l’inverse, le travail réel des élèves sur leurs erreurs aura lieu après le contrôle, en aval. Je prépare un sujet classique, le donne et le corrige en numérotant uniquement les erreurs (vous avez compris, j’aime beaucoup la correction/numérotation 😉 ). Je photocopie les devoirs et je rends aux élèves avec une note provisoire. Je propose ensuite des séances de correction facultatives. Pendant ces séances, les élèves peuvent reprendre leur copie initiale et faire une analyse des erreurs (il font un tableau où chaque ligne correspond à un numéro d’erreur. Ils y indiquent l’erreur, “pourquoi c’est faux” et la correction et/ou comment l’éviter la prochaine fois). Une fois l’analyse faite, la note augmente et ils peuvent ainsi aller jusqu’à 20 (ce que peu d’élèves font). L’intérêt c’est que ça fait vraiment travailler les élèves sur leurs erreurs. Le problème c’est que c’est très chronophage pour l’enseignant. On peut aussi demander aux élèves de faire ce travail de correction chez eux et de le rendre puis de monter la note en fonction (pas forcément jusqu’à 20 dans ce cas). Un exemple sur ce tweet de Christine Bideux.
Une petite note qui monte qui monte
On peut adapter un peu ce principe de “note qui monte” sur une activité qui tient sur une séance : les élèves peuvent rendre leur travail quand ils veulent, je le note “à la volée”, en numérotant les erreurs. Et ils peuvent le re-rendre autant de fois qu’ils veulent, la note augmentant au fur et à mesure de la séance. Quand la cloche sonne, les notes sont fixées et ne peuvent plus bouger. Ca les oblige à être efficaces !
Les contrôles à la chaîne
J’utilise cette technique en collège car elle demande de faire des petits sujets, rapidement corrigés (si possible avant la fin de l’heure). Je bloque une heure hebdomadaire pour l’évaluation. Pendant cette heure, les élèves sont en contrôle. Je corrige les contrôles en passant dans les rangs, en numérotant juste les erreurs. L’idée est simple : ils ont le droit de passer au contrôle suivant quand ils ont réussi un contrôle, quand toutes les erreurs numérotées ont été corrigées. Leur note de fin de trimestre est déterminée par le nombre de contrôles qu’ils ont réussi. Je peux également enrichir un peu le jeu en alternant des contrôles individuels et des contrôles en équipe (ils peuvent parler pendant l’évaluation, tout le monde doit écrire la même chose). Ce qui fait que j’ai des élèves en équipe et en individuel dans la même salle de classe.
Noter la correction au lieu du contrôle
Je fais un contrôle classique. Je ramasse les copies et je numérote les erreurs. Je fais une sélection d’une dizaine d’erreur que je juge intéressantes. Je rends les copies aux élèves, un peu après, je refais un contrôle. Le sujet de ce contrôle, ce sont les 10 erreurs intéressantes que j’ai trouvé en corrigeant les copies. Et les élèves doivent les corriger. Seul ce deuxième contrôle est noté. (On peut aussi faire la même chose en individualisant mais c’est nettement plus long au niveau temps de préparation).
Noter l’analyse des erreurs
Une variante de la précédente qui demande moins de temps de préparation. Une fois le contrôle rendu avec les erreurs numérotées, on refait une séance où les élèves doivent faire leur analyse d’erreur. Et c’est cette analyse d’erreurs qui sera notée. Pas forcément évident à mettre en place pour les élèves qui n’écrivent rien. C’est pour ça que je pénalise toutes les questions où rien n’est écrit.
L’évaluation par feedback
Une petite vidéo vaut mieux qu’un long texte :
Avec ces immeuble, on rentre vraiment dans les pratiques qui remettent tout à plat.
L’évaluation par badge
Si vous n’êtes pas à l’aise avec les immeubles, vous pouvez adopter le système des “badges”. Là aussi, le système d’évaluation est complètement remis à plat. C’est trop complexe pour être décrit dans un billet de blog mais vous pouvez aller voir cette vidéo de Nicolas Vossier.
A noter que ces pratiques ne sont pas forcément évidentes à mettre en place tout seul (surtout les dernières). En tant que formatrice, j’accompagne les équipes enseignantes souhaitant mettre en place un système d’évaluation formative. N’hésitez pas à me contacter en utilisant le formulaire ci-dessous !