Cela fait trois-quatre ans que je vais dans les établissements pour y faire des journées pédagogiques. Et dans ces établissements j’y ai croisé les mêmes interrogations, les mêmes problématiques, les mêmes blocages autour de la formation. Naturellement, à force, j’ai commencé moi aussi de mon côté à me poser certaines questions. Pourquoi cela ne fonctionne pas aussi bien que ce qu’on aimerait ? Comment pourrais-t-on faire autrement ? J’ai ainsi pu élaborer une manière de former les professeurs permettant de surpasser ces limites que l’on croise si souvent.
Mais tout d’abord, d’ordinaire, comment forme-t-on ?
Parfois dans un établissement certaines pratiques ne correspondent pas au projet de l’établissement, à ce que veulent les parents ou ce que s’imagine l’équipe pédagogique. Parfois, on souhaite simplement faire évoluer les pratiques pour qu’elles suivent le rythme de la société et des possibilités offertes par le numérique. Il s’agit alors d’opérer un changement à l’échelle de l’établissement. Et faire cela peut représenter une entreprise inaccessible.
Par exemple : certaines notes sont trop sévères. Cela pose alors problème pour Parcoursup, mais aussi pour le contrôle continu du bac ou du brevet.
Spontanément, qu’est-ce qu’on fait ? On organise une grande journée pédagogique. On prend du temps pour expliquer qu’est-ce que l’évaluation et pourquoi il ne faut vraiment pas noter sévèrement (voir Note ou pas note ?).
J’ai moi-même animé un grand nombre de ces “grand messes pédagogiques”. Quand je revenais un an plus tard, la plupart du temps, le grand changement de pratique espéré n’avait que très peu pris. Les enseignants très enthousiastes pendant la journée pédagogique, qui en étaient sortis en voulant revoir leur façon d’évaluer, n’avaient pas réussi à mettre en place leurs idées, par manque de temps ou autre. Et les professeurs avec qui on désirait discuter n’avaient pas changé leurs pratiques.
Peut-être que vous aussi vous avez pu être témoin de ces limites.
Mais alors, pourquoi cette stratégie, pourtant très classique, ne fonctionne pas ?
- 1. Les objectifs ne sont pas clairs :
Tout d’abord, il est souvent très difficile voire impossible de juger si la journée pédagogique est une réussite ou non. Tout simplement car il n’a pas été dit ce qu’on voulait qu’elle accomplisse. Aucun objectif clair n’a été posé. Pour qu’une formation soit efficace, il faut définir à l’avance des objectifs et des critères d’évaluation (voir 5 objectifs de l’évaluation) .
Il faut que cet objectif soit le plus clair possible et décider à partir de quand il est atteint.
Par exemple : Organiser une journée pédagogique car “les parents râlent trop” ne permet pas d’avoir en tête une destination précise. On ne peut donc pas remplir l’objectif, puisqu’on ne sait pas dans quelles conditions il est atteint.
- 2. La temporalité n’est pas adéquate :
Une journée pédagogique, c’est dans le nom, ça ne dure qu’une journée. Pourtant, les études en conduite du changement nous apprennent que pour un changement de pratique, il faut compter plusieurs mois à l’échelle individuelle et donc plusieurs années à l’échelle d’un l’établissement. Ainsi, une journée pour un changement qui nécessite plutôt trois ou cinq ans, paraît très peu efficace.
- 3. L’aspect théorique prend trop de place :
Souvent, on pense qu’expliquer pourquoi il faut faire autrement suffit pour arriver à changer les choses. Pourtant, si on s’imagine faire pareil pour le permis de conduire : on explique comment conduire et après on laisse conduire, on voit alors que cela ne peut pas fonctionner. Surtout qu’il ne s’agit ici pas de gestes individuels, mais d’actes faits en équipe. Tout le monde peut être très en accord sur les principes théoriques, mais la mise en application de ce qui est fait en classe se joue sur un tout autre niveau.
Ainsi, en journée pédagogique on dit aux professeurs qu’il faut noter de façon bienveillante, mais les professeurs ont déjà l’impression d’être bienveillant lorsqu’ils notent. Ils n’ont pas comme but de mettre les notes les plus basses possible. La façon dont s’exprime leur bienveillance en classe et comment elle est perçue par les élèves et les parents sont deux choses extrêmement différentes. C’est pour cela qu’il ne suffit pas de dire aux professeurs qu’il faut être bienveillant, puisque pour eux, ils le sont. La journée pédagogique leur paraît alors inutile, car elle ne fait que répéter ce qu’ils savent déjà. De plus, les apports théoriques sont sans effet, car c’est la pratique qu’il faut changer.
Ainsi, les limites que l’on observe dans la stratégie de la journée pédagogique peuvent être expliquées. C’est d’ailleurs bien pour cela que certains établissements n’organisent plus ce genres de journées.
Mais alors, qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ?
Chez M-CO (voir nos offres) on propose d’agir sur ces trois aspects pour accompagner les établissements dans un changement de pratique efficace et réel :
- 1. Définir des objectifs précis avec des critères d’évaluation clairs :
Pour commencer, il faut poser les objectifs de la formation. Chaque objectif peut être décliné en un objectif enseignant et un objectif élève.
Par exemple : Posons l’objectif : “l’évaluation aide les élèves à choisir leur orientation”. Dans un lycée qui souhaite avec un passage 2nd/1ere plus fluide et une rélle adéquation des projets Parcoursup avec les compétences des élèves.
Pour les élèves, il s’agit donc de choisir une orientation adéquate. L’objectif peut alors être que “100 % des élèves aient la spécialité qu’ils demandent en fin de seconde”, et que “le nombre d’élèves en difficulté dans leur spécialité diminue au maximum”.
Pour les enseignants, il s’agit d’évaluer de façon que les élèves puissent se situer dans leurs apprentissages. L’objectif peut donc être “de passer à des évaluations de compétences et de savoir-faire en arrêtant les évaluations de performances avec une note”. (Voir : https://m-co.site/note-ou-pas-note/) On va donc dire aux élèves : “pour avoir cette spécialité, il faut que tu maîtrises telle et telle chose”, et non pas : “pour avoir cette spécialité, il faut que tu augmentes tes notes”. Et en plus de cet objectif, il s’agit aussi de “gérer l’hétérogénéité”, parce que si chacun a la possibilité de choisir sa spécialité, les classes vont être plus hétérogènes, et il va falloir que les enseignants sachent gérer ces classes.
Les enseignants auront donc un double objectif :
– “mettre en place une évaluation qui montre aux élèves ce qu’ils savent faire, et leur donne les compétences indispensables aux spécialités”.
– “gérer l’hétérogénéité dans la classe”.
Une fois que les objectifs sont posés, il faut en tirer des critères d’évaluation que l’on peut mesurer, chiffrer. En effet, il est important d’avoir une échelle pour bien s’évaluer. Et pour cela, il faut compter. Combien d’élèves sont en difficulté ? Combien ont eu leurs choix ?
Au niveau des enseignants, on peut faire des sondages pour voir combien d’enseignants se sentent à l’aise avec l’hétérogénéité. Ainsi, chaque objectif va être évalué. (voir Devenir un bon enseignant)
- 2. Passer sur une temporalité adéquate aux objectifs :
Il faut avoir en tête que ces objectifs ne vont pas être atteints pas au bout d’une semaine mais au bout de trois à cinq ans. Ce temps dépend de l’ambition et de la difficulté des objectifs, c’est-à-dire de combien d’élèves et de professeurs sont touchés.
La temporalité sera donc autour de trois à cinq ans, et sur cette durée, il faut que le projet soit en continu et que les gens se sentent accompagnés. Le problème de la journée pédagogique c’est qu’elle est en une fois. Le but ici c’est d’accompagner les enseignants sur toute la durée du projet, donc entre trois et cinq ans.
- 3. Travailler directement sur la pratique :
Une fois qu’on a défini les objectifs et la temporalité, on peut faire travailler les équipes sur un projet commun. Des apports théoriques viennent enrichir ce travail, mais la théorie ne vient pas avant la pratique. On ne va pas pas vous expliquer pourquoi il faut changer, puis vous vous débrouillez pour le faire tout seul avec ces éléments théoriques. Chez M-CO, on fait le pari inverse : on va simplement changer de pratique, ce faisant des questions vont apparaître, et c’est à ce moment-là que la théorie va arriver pour comprendre cette nouvelle pratique. La pratique est avant la théorie car les enseignants sont surchargés et n’ont pas le temps pour mettre en place un tel projet seuls.
Évidemment, les enseignants vont s’approprier cette nouvelle pratique. Dans les classes, on ne trouvera pas les pratiques exactement de la manière dont elles ont été transmises. En l’adaptant, les enseignants ne vont pas respecter le livre à la lettre et vont ainsi exprimer leurs expertises. Souvent, après une phase d’application très formelle pour la comprendre et se l’approprier, les pratiques changent en revenant vers des choses plus personnelles, pas toujours données en formation. C’est un signe que la nouvelle pratique a bien pris, qu’elle est bien adaptée.
C’est donc en confrontant directement toutes ces limites et en y apportant des solutions concrètes que l’on a pu, chez M-CO, développer une nouvelle stratégie de formation qui répond efficacement aux besoins des établissements.
Comment former autrement ?
- 1. Demie journée de rencontre : impliquer l’intégralité de l’établissement
Parce que le changement de pratique se fait à l’échelle de l’établissement, il est nécessaire de commencer par un geste posant cette échelle. On commence donc par une demie journée en présentiel avec tout le monde pour lancer cette dynamique et mettre au courant tout l’établissement du début du projet. Il ne s’agit donc pas d’apprendre la nouvelle pratique mais bien de se rencontrer et de lancer une dynamique à l’échelle de l’établissement.
- 2. La première année : constituer et former le groupe pilote
Lorsqu’on demande aux enseignants de changer de pratique, certains ne sont pas d’accord. Dans la méthode classique on va se focaliser sur les éléments perturbateurs, on va faire une journée pédagogique pour eux. On essaie de convaincre ceux qui veulent rester dans la norme qu’un changement est nécessaire. Chez M-CO (qui sommes-nous ?), on fait encore une fois les choses différemment. On pense que la meilleure manière de convaincre ceux qui veulent rester dans la norme, c’est de changer la norme.
Pour ce faire, on va s’appuyer sur un certain nombre d’enseignants souvent pas suffisamment valorisés : les personnes ressources de l’établissement. On donne des outils et un accompagnement à ces enseignants qui ont déjà un peu d’expertise, qui ont envie de changer, qui sont en démarche réflexive, pour les aider à changer de pratique.
Dans un premier temps, on constitue ce groupe. Dépendamment des besoins de votre établissement, cette étape est plus ou moins longue. En effet, pendant la demie journée de rencontre, on peut faire connaissance d’un groupe déjà constitué. Lorsque cela n’est pas le cas, il est possible de le fonder. On vous accompagne alors durant toute la période nécessaire à cette étape.
Ce groupe doit être formé de minimum dix personnes et doit représenter un certain pourcentage de l’établissement afin d’être efficace sur les années suivantes. La taille de ce groupe dépend donc de l’établissement. On va former à une nouvelle pratique les enseignants qui sont motivés, ceux qui ont l’habitude d’aller en formation. Cet accompagnement leur permet de poser des questions et de comprendre la théorie derrière la pratique.
Ainsi, durant la première année on s’appuie donc sur un groupe pilote :
Des visio sont organisées régulièrement pour discuter des obstacles rencontrés, des blocages, et pour ouvrir les pistes de réflexion dont ils ont besoin.
En parallèle, les apports théoriques arrivent au fur et à mesure sur une plateforme avec des cours en ligne.
Les apports théoriques viennent donc au moment où ils en ont besoin et pendant les visio on va regarder la mise en place concrète de cette théorie.
À la fin de l’année, une fois que ce groupe maîtrise cette nouvelle pratique, on va pouvoir l’étendre au reste de l’établissement.
- 3. Les années suivantes : transmettre cette nouvelle pratique au reste de l’établissement
Pour que le reste de l’établissement rejoigne le groupe pilote dans leur nouvelle pratique, le travail est double :
– Étendre la nouvelle pratique aux enseignants volontaires. Le groupe pilote a pour vocation de convaincre les autres. Il est plus simple de se motiver quand on sait que d’autres l’ont fait, et qu’un collègue ou une équipe peut répondre à nos questions. On peut continuer les formations externes avec la plateforme pour plus d’enseignants, en plus des apports théoriques que le groupe pilote pourra faire en interne.
– En parallèle : travailler en présentiel avec les enseignants qui ne veulent pas se lancer. On discutera alors des obstacles, des peurs. Il s’agira de trouver des solutions, d’adapter les pratiques pour qu’elles puissent correspondre aux besoins de chacun. Le but n’est pas juste de les faire parler de leurs peurs et de leurs besoins, mais de les prendre en compte, de réfléchir concrètement à des solutions, ce qu’on va mettre en place pour travailler sur ces peurs. Le projet s’intégrant de plus en plus dans l’établissement, de plus en plus d’enseignants entrent dans la nouvelle pratique, et les peurs ont donc tendance à diminuer. Ils n’imaginent plus, ils voient comment cela se passe. La transition se fait donc ainsi.
Si cette démarche vous intéresse et que vous voulez mettre en place un changement de pratique, n’hésitez pas à nous contacter.
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